Dienstag, 20. April 2010

Le quotidien des sans-papiers

Témoignage d’une personne déportée en charter par Frontex

mis en ligne lundi 19 avril 2010 par jesusparis

http://www.hns-info.net/spip.php?article22965

J’ai eu le choc de ma vie quand on a commencé notre voyage de Tinsley à l’aéroport. Nous sommes restés dans le bus de 11h jusqu’à 18h sans pouvoir en sortir. Quand on était dans le bus, on ne pouvait pas bouger ou se mettre debout parce que chaque détenu était escorté de deux gardes. Mais les gardes eux-mêmes changeaient toutes les 30 min alors que nous, détenus, étions comme des poissons dans un bocal. Mes jambes étaient grosses et lourdes comme je ne les avais jamais vues. Chaque heure était un combat pour nous. J’ai commencé à me sentir de plus en plus faible, mon sang ne circulait plus. On n’était pas préparés à ce vol. Partout où je regardais, je voyais une punition mais sans crime.

Il y avait beaucoup de femmes qui étaient tristes et des enfants en bas âges avec elles. Les enfants pleuraient très fort en voyant comme leur parents étaient traités. Il y avait beaucoup de nouveau-nés et des mineurs sans leurs parents sur ce vol, leurs visages étaient tristes. Nous avons décollé de l’aéroport, ce n’était pas celui de Gatwick. Nous avons atterri à Dublin où d’autres gens nous ont rejoints. Les détenus à Dublin arrivaient dans des fourgons pénitenciers et étaient menottés. Beaucoup avait été battus avant d’être montés dans l’avion. Même en Grande Bretagne, un mineur avaient violemment frappés quand il avait crié : « J’ai quitté le Nigéria à trois ans, je n’ai plus personne là-bas ». Un garde est venu et lui a dit de se taire et de se calmer. Les hurlements se sont faits plus forts à mesure que les coups étaient plus violents. J’ai entendu un hurlement ; c’étaient des pleurs. Et puis l’équipe médicale s’est occupée du gars.

Nous sommes partis de Dublin pour l’Espagne, et là ça a été le pire de tout : les femmes comme les hommes étaient menottées et leurs jambes entravées. Les deux gardes se sont aperçus que mes jambes étaient grosses. Le garde qui était à ma gauche m’a demandé si j’avais un problème aux jambes. J’ai répondu que j’avais des varices. Immédiatement, les gardes ont appelé l’équipe médicale qui m’ont que je n’avais rien à faire sur ce vol. Le garde leur a demandé ce qu’il fallait faire. Ils ont dit qu’il fallait que je marche ou que j’ai une place où je pourrais mettre mes jambes en hauteur. Je pouvais à peine soulever mes jambes. Ça me faisait mal et me rendait malade. À chaque fois que je repense à la manière dont on nous a traité, ça m’écœure.

On ne m’a pas donné mon dossier médical alors que je l’ai réclamé plein de fois. Encore aujourd’hui j’ai des douleurs. Nous étions effrayés dans l’avion. J’étais effrayé par le nombre de personnes qui ne voulaient pas retourner dans leur pays. J’ai eu des attaques de panique quand j’ai vu comment les gardes frappaient les gens qui résistaient. Même à l’aéroport, beaucoup de gens ont été violentés et en Espagne, la police insultait les gens et les frappait. Quand je suis allé au toilettes, j’ai vu que les détenus qui venaient d’Espagne étaient menottés. Quand j’ai demandé aux flics pourquoi, ils ont essayé de me frapper. La police anglaise les a arrêté à cause de mon état.

Il y avait beaucoup d’enfants qui pleuraient du fait des coups et des hurlements dans l’avion. Toutes ces choses auxquelles je ne m’attendais pas m’ont rappelé ma dernière expérience de torture. Beaucoup de ceux qui venaient de Grande Bretagne criaient qu’ils avaient encore des procédures judiciaires en cours et que leurs femmes et enfants étaient en Grande Bretagne. Beaucoup parlaient aussi de leurs biens.

À ma grande surprise nous n’avons pas atterri dans un aéroport normal mais sur un terrain appelé NACO AIRPORT (aéroport pour les cargos). Et avant que nous ne descendions de l’avion, tous les bagages avaient été balancés sur le terrain sans sécurité et plusieurs bagages avaient disparu.